Interview croisée | Bruno Ducasse et Thomas Friang : fondements de quatre années de coopération pour la transition écologique et sociale.
Les Rencontres du Développement Durable, fondées par l’Institut Open Diplomacy, représentent le plus grand rendez-vous démocratique consacré à la transition écologique, économique et sociale, et pour la 4e année consécutive, MBS coorganise et accueille une étape de ce tour de France, le 15 novembre prochain, autour du thème : « Sobriété et souveraineté : une guerre, deux fronts… quels plans de bataille ? »
Thomas Friang, Directeur général de l’Institut Open Diplomacy & Bruno Ducasse, Directeur Général de Montpellier Business School, reviennent ensemble sur les ambitions et les enjeux qui fondent la collaboration des deux institutions depuis quatre ans.
Thomas FRIANG – C’est la 4e édition des RDD : pourquoi ce rendez-vous démocratique revêt-il une importance particulière cette année ?
2023, c’est la mi-temps du match du siècle. En 2015, les 193 États de l’ONU se sont accordés sur 17 Objectifs de Développement Durable (ODD) à réaliser d’ici 2030. Les RDD sont l’occasion de faire le point avec les citoyens, en débattant avec les acteurs, penseurs et décideurs de la transition.
Les RDD viendront juste après le bilan à mi-parcours que la planète fait à l’ONU les 18 et 19 septembre lors d’un sommet mondial consacré aux ODD. À partir de là, nous pourrons faire le point sur ce qui se passe bien en France, dans le domaine écologique comme dans le domaine social.
Et pour cause, la France a présenté cet été son bilan complet en matière de développement durable : sa « revue nationale volontaire » exposée aux Nations unies. C’était un engagement pris par le gouvernement à l’ouverture des RDD 2022. Nous pourrons donc reprendre le fil de la conversation, d’autant que nombreux sont les partenaires des RDD qui ont contribué à enrichir ce bilan pour tracer quelques perspectives.
La France est classée 6e mondiale en matière de développement durable, mais nous avons encore beaucoup de chantiers à faire avancer. La planification écologique, qui se prépare depuis un an, sera d’ailleurs au cœur des discussions des Rencontres cette année pour voir comment accélérer cette transition juste dont nous parlons chaque année.
Et pour ce grand rendez-vous démocratique, tout le monde peut participer, avec 6 étapes du 5 octobre au 13 décembre, dont celle que nous organiserons en Occitanie avec Montpellier Business School le 15 novembre !
Bruno DUCASSE – Votre école co-organise les RDD pour la 4e année consécutive : pourquoi cet engagement ? Quel est le thème que vous avez choisi ? Quand sera l’étape de votre établissement ?
MBS est en avance sur l’enseignement de la transformation responsable de l’économie, et cela se reflète dans nos réalisations récentes. Nos diplômes, certificats et parcours dédiés, comme ‘Act for Change’, illustrent cet engagement.
Nous sommes d’ailleurs très fiers d’avoir été à nouveau classés comme la 2e meilleure école pour changer le monde lors de l’événement ChangeNow en partenariat avec Les Echos. De plus, si nous sommes la seule Grande École de Management à figurer au palmarès de Shanghai, c’est grâce à notre recherche en RSE.
En tant que partenaire co-organisateur des Rencontres du Développement Durable (RDD) depuis leur première édition, nous cherchons à étendre l’impact de notre enseignement à la sphère publique et citoyenne.
Le thème de la conférence plénière de cette année, ‘Pour une écologie de nos ressources’, est d’une importance cruciale. Nous aborderons la question de la création de valeur pour l’économie et la société en partant du constat que nos ressources disponibles sont finies. C’est un défi que nous devons tous relever, et nous sommes impatients de discuter de solutions innovantes.
Rendez-vous donc le 15 novembre 2023 à MBS pour cette journée exceptionnelle.
Thomas FRIANG – Les RDD 2023 permettent de fêter l’anniversaire des ODD. Nous sommes à mi-parcours de l’Agenda 2030. Où en sommes-nous vraiment ?
Oui, nous sommes à mi-parcours de ce marathon économique, social et environnemental qui engage des profondes transformations.
Mais quand on regarde le chrono, on est vraiment en retard : 85 % des cibles qui permettent de mesurer l’avancement des 17 Objectifs de Développement Durable de l’ONU sont au rouge. Au plan mondial, on n’est pas en transition, nous sommes en régression.
D’où est ce que cela provient ?
Il y a un facteur politique historique : depuis l’adoption des ODD, les Etats n’ont pas investi à bon niveau dans le développement durable. Le retard accumulé a déjà doublé le défi : il faudrait plus de 4 000 milliards de dollars par an pour réaliser l’Agenda 2030 selon le Secrétaire général de l’ONU, M. Antonio Guterres. Signal positif, le G20 de Delhi vient d’acter un plan de financement des ODD qui pourrait déclencher une dynamique plus favorable. Cela reste à suivre avec beaucoup d’attention.
Mais surtout, cette situation résulte d’une polycrise hors-norme. Cette polycrise, c’est la combinaison de trois grandes crises systémiques. Il y a les effets socio-économiques à long terme de la pandémie (songez que seulement 64% de la population mondiale est primo vaccinée et cela chute à 24% chez nos partenaires africains). Il y a l’accélération des dérèglements climatiques, puisque les émissions mondiales n’ont eu de cesse d’augmenter. Et plus récemment, il y a l’agression russe de l’Ukraine qui est une onde de choc mondiale : un choc économique (l’inflation a explosé partout et provoque le sur-endettement de plus d’un État sur quatre au monde) et un choc diplomatique (avec une paralysie du système onusien).
Alors oui, les Rencontres du Développement Durable 2023 célèbreront un anniversaire : celui de l’adoption de la résolution d’Addis Abeba, en 2015, où tous les pays ont adopté ce “programme en commun”, pour un “futur désirable”. Ce ne sera certainement pas l’occasion de souffler des bougies pour tant de mauvaises nouvelles.
En revanche, ce rendez-vous citoyen sera l’occasion de discuter ensemble, en profondeur, de ce que la France fait à domicile et avec ses partenaires étrangers pour changer la donne. Car on ne peut pas se résoudre à un tel état du monde.
Bruno DUCASSE – Face à cette polycrise, sentez-vous vos étudiants se décourager ou au contraire redoubler d’engagement pour construire un futur désirable ?
Nous observons des réactions variées parmi nos étudiants, mais une tendance générale se dégage. Beaucoup de nos étudiants ressentent une montée de l’engagement, une volonté renouvelée de contribuer à la construction d’un futur désirable.
Nos étudiants connaissent, et reconnaissent, l’engagement sociétal profondément enraciné au sein de MBS.
Nos valeurs d’inclusion, de diversité et de responsabilité sociale des entreprises (RSE) sont des piliers de notre institution, mais depuis quelques années les études nous montrent que de plus en plus d’étudiants choisissent précisément MBS pour ces raisons.
Nous constatons également une émergence croissante d’étudiants que nous pourrions qualifier de ‘change makers’, ceux qui sont déterminés à catalyser le changement positif dans la société et l’économie. Bien que ces futurs leaders du changement restent pour l’instant minoritaires, leur influence grandit.
En fin de compte, nous croyons fermement que notre éducation axée sur la transformation responsable de l’économie continuera à inspirer et à responsabiliser nos étudiants pour qu’ils façonnent un avenir qui leur ressemble et qui convient à leurs valeurs.
Thomas FRIANG – Face à ce contexte d’éco-anxiété amplifiée par les impacts de la guerre et les tensions sociales, quel rôle joue la planification écologique pour faire avancer l’Agenda 2030 ?
Depuis un an, la France a commencé à mettre au point une planification écologique. C’est une innovation politique mondiale. Et c’est une nécessité pour piloter avec précision les grands chantiers environnementaux : la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre, secteur par secteur, région par région ; mais aussi la protection de nos ressources naturelles.
La planification écologique porte principalement sur le double défi climat-biodiversité, qui représente probablement la partie la plus grave de la “polycrise” que j’évoquais tout à l’heure. Mais c’est intéressant de l’analyser à l’aune des ODD, qui comptent aussi des indicateurs économiques et sociaux.
Car nous le savons très bien : la transition n’avance pas (voire recule réellement) si elle ne représente pas une promesse de progrès.
À l’heure où l’agression russe de l’Ukraine nous a tous forcés à mieux gérer nos dépendances énergétiques et à faire attention à l’emprise des puissances étrangères sur notre pays, l’Institut Open Diplomacy a décidé de donner pour thème 2023 au RDD la question suivante : « Sobriété et souveraineté : une guerre, deux fronts… quels plans de bataille ? »
Car nous sommes convaincus que la réponse la plus ambitieuse à nos problèmes écologiques (la sobriété) sera aussi l’approche la plus astucieuse pour relever nos défis géopolitiques (la souveraineté). Et pour cela, il faut une planification écologique parfaitement réussie. Nous avons un trimestre pour y réfléchir ensemble !
Bruno DUCASSE – « Planification », voilà un mot étonnant dans une économie de marché. Pourtant, tous les grands capitaines d’industrie ont appelé un Etat stratège de leurs voeux. Nous y sommes. Comment cela peut-il faire partie de la réflexion qui accompagne le développement des ingénieurs / managers que vous formez ?
Nous encourageons activement nos étudiants à intégrer la planification stratégique dans leur réflexion. Pourquoi ? Parce que cela leur permet de comprendre comment ils peuvent façonner l’avenir de manière proactive. Dans un monde en constante évolution, la capacité de prévoir les tendances, de planifier et d’anticiper les défis est cruciale pour le succès professionnel.
Dans un environnement volatil et incertain, nous préparons également nos étudiants à être agiles, à être capables de ‘pivoter’ en cas de besoin. Nous les préparons à cette démarche entrepreneuriale via des serious games et nous les poussons à la création d’entreprises grâce à notre incubateur.
Peu importe le prisme stratégique choisi, l’essentiel réside dans les critères pris en compte lors de la prise de décision. À MBS, nous avons adopté un prisme de Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE) à 360 degrés. Cela signifie que nos étudiants apprennent à évaluer les implications financières, les aspects liés aux ressources humaines, l’impact environnemental, les dimensions sociétales et éthiques de chaque décision qu’ils prennent.
Ainsi, nous formons nos étudiants à être des leaders conscients, capables de prendre des décisions stratégiques éclairées qui tiennent compte de l’ensemble des dimensions, contribuant ainsi à un avenir économique plus responsable et durable.
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